Intelligibilité du texte, clarté de l’émission, luminosité des voix, souci du détail, attention aux sens des mots chantés...

11/03/2021
premières loges - Stéphane Lelièvre
The Angels - CD

En quelques années, Les Métaboles, sous la houlette de leur chef Léo Warynski, sont devenus un ensemble incontournable dans le chant choral français. Outre l’extrême qualité de leurs interprétations, c’est également l’originalité de leurs programmes qui les signale régulièrement à l’attention du mélomane. Des programmes qui n’ont de cesse de faire dialoguer les époques et les esthétiques, comme dans ce nouveau CD intitulé The Angels (du nom de la pièce de Jonathan Harvey par laquelle se clôt l’enregistrement), où des pages des seizième et dix-septième siècles anglais et italien (Byrd, Palestrina, Purcell) côtoient des œuvres du compositeur anglais, l’une des grandes figures de la musique contemporaine britannique, dont l’œuvre est souvent empreinte de spiritualité et de mysticisme.

Comme dans les albums précédents de l’ensemble, on est impressionné par le raffinement mais aussi la rigueur et la précision des choristes. Le plus étonnant réside sans doute dans le fait que les chanteurs réunis conservent leurs qualités propres et leur individualité (pas seulement lorsqu’ils sont amenés à intervenir seuls, comme dans The Annunciation), sans pour autant que l’homogénéité de l’ensemble soit remise en cause. Intelligibilité du texte, clarté de l’émission, luminosité des voix, souci du détail, attention aux sens des mots chantés (ineffable douceur du « O dulcis, O pie, O Jesu » de l’Ave verum corpus de Byrd, fougueux « Then called upon the name of the Lord » du I love the Lord de Harvey), subtil équilibre entre densité et légèreté, dépouillement et intensité sont autant de qualités préservant fort heureusement la spiritualité qui émanait du concert donné par Les Métaboles le 7 septembre 2019 à l’Abbaye de Royaumont, avec un programme très proche (les pièces étaient interprétées dans un ordre différent et une œuvre de Jack Sheen, Fitzgerald pirouette, avait été créée à l’occasion). On pouvait craindre que, privé du cadre sobre et hiératique du grand réfectoire de l’abbaye, la musique perde de sa puissance spirituelle : il n’en est rien.

« Ce sont des intelligences aussi vieilles que le lever du soleil, qui n’ont jamais appris à distinguer la droite de la gauche, l’avant de l’après, ne connaissant qu’une seule direction vers Dieu ; qu’un seul moment, maintenant ».
Ces paroles, extraites de la pièce The Angels, offrent comme une mise en abyme de l’art des Métaboles tel qu’il se fait entendre dans cet album : un chant ardent dont la ferveur abolit les frontières spatiales et temporelles pour unir dans une même ferveur compositeurs du passé et du présent, et dont chaque accent témoigne d’une intense ferveur spirituelle.