... la combinaison de clarté dynamique et d'agile énergie qui caractérise Léo Warynski

23/01/2021
Olyrix - Charles Arden
Cummings

Naissance et Re-Naissance, passionnées et passionnantes, sont au programme de ce concert capté dans la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris. La musique de Pierre Boulez continue ainsi de renaître cinq ans après sa mort, la musique continue de naître avec le fascinant Requiem de Francesco Filidei (né en 1973 et qui avait notamment marqué le monde lyrique par son opéra L'Inondation), d'autant que cette renaissance résonne avec le Stabat Mater de Palestrina (compositeur de la Renaissance musicale : au XVIe siècle à Rome). La musique continue ainsi de renaître même en temps de confinement, captée et à huis clos mais grâce à l'immense travail continu de l’Ensemble intercontemporain, de l'Ensemble vocal Les Métaboles et de Léo Warynski. Le chef rappelle même, avant le concert, combien les musiciens ont besoin de ce retour à la musique et de cette présence physique.

Le plaisir de retrouver la musique est ainsi visible et audible, pour ces instrumentistes et chanteurs qui tous et ensemble, exploitent la richesse de leurs timbres individuels au service du projet musical commun (guidés par la combinaison de clarté dynamique et d'agile énergie qui caractérise Léo Warynski). Pourtant, que les timbres et jeux sont riches dans ces musiques ! Une disposition le figure, parmi bien d'autres : les cuivres partagent les pupitres mais chacun a une petite table avec ses différentes sourdines (comme autant de variations sonores à exploiter). La contrebasse à elle seule traduit cette richesse : loin de seulement jouer les utilités en doublant le son du violoncelle dans le grave, elle a ici une place soliste de choix et même d'honneur, au premier rang, en face à la droite du chef (la place d'un premier violoncelle). 

Cette richesse instrumentale dialogue pleinement avec la richesse vocale dans Cummings ist der dichter de Boulez et le Requiem de Francesco Filidei. La première détaille et nimbe à la fois la fascination des poèmes d'E. E. Cummings (1894-1962). La seconde articule chaque syllabe liturgique du Requiem, avant de ressouder les phrases. Les deux composent un indissociable lien de dialogue entre musique instrumentale et chant : deux plaques tectoniques qui se répondent, résonnent et s'affrontent dans un équilibre savant même dans leurs plus grands éclats d'intensité. Les voix doivent et savent déjà filer, dès les puissantes intensités sur les grands accents, la douceur et longueur de souffle qui se prolongera dans les résonances decrescendo. Les Métaboles mettent la richesse universelles et individuelles des voix dans le Stabat Mater de Palestrina au service de Boulez et Filidei, le motet de la Renaissance tardive étant idéalement placé entre les deux pièces contemporaines.

Le concert se referme sur une cavalcade : Le Rite de la nuit noire. Voyage d’Artaud au Mexique (création mondiale de François Meïmoun). De rares clairières musicales sur des mélodies pentatoniques (aux couleurs d'Asie) reconfigurent des rythmes obstinés martelant cette œuvre, constamment intense et frénétique. Une pièce qui aurait bien mieux convenu pour débuter le programme en lançant le geste énergétique, une pièce qui était initialement attendue en deuxième place du programme mais qui a visiblement due être reportée en fin de concert pour aider les musiciens à prendre le temps de se chauffer, de se déconfiner musicalement.

Un échauffement qui contribue aussi à ce sentiment de Re-Naissance.