Léo Warynski a apporté une nouvelle preuve de son talent et de son éclectisme

28/01/2021
ConcertClassic- Alain Cochard
Cummings

LÉO WARYNSKI DIRIGE LES MÉTABOLES ET L’EIC À LA CITÉ DE LA MUSIQUE (STREAMING) – LE CHOC FILIDEI

Presque un an après un superbe disque « Jardin féerique » à la tête de son chœur Les Métaboles, quelques semaines après avoir dirigé avec succès Akhnaten de Philip Glass avec les forces de l’Opéra de Nice, Léo Warynski a apporté une nouvelle preuve de son talent et de son éclectisme à la Cité de la musique lors d’un concert Boulez, Palestrina, Filedei et Meïmoun (avec Les Métaboles et l’Ensemble Intercontemporain) inscrit dans le cadre de la Biennale Boulez. Un rendez-vous sans public diffusé en streaming, auquel la presse pouvait assister avec toutes les précautions d’usage.
 
Aussi remarquable chef de chœur que d’orchestre, Léo Warynski ouvre le programme par Cummings ist der Dichter de Boulez (une pièce sur un texte de e. e. Cummings élaborée en 1970 et révisée en 1986) : on ne peut qu’être admiratif de la précision avec laquelle il explore l’ouvrage ; précision jamais sèche ni excessivement tranchante qui sait restituer toute la vie intérieure de la partition.
Saut dans un passé lointain ensuite avec le Stabat Mater pour double chœur de Palestrina que le chef et ses choristes abordent avec autant de fluidité que d’équilibre. La présence du compositeur de la Renaissance finissante dans ce contexte peut a priori étonner ; elle se comprend mieux en fonction de l’ouvrage qui lui succède, de l’Italien Francesco Filidei (né en 1973), un compositeur admiratif de la « perfection quasi magique » des œuvres de l'ancien maître de chapelle de Saint-Pierre de Rome.

Son Requiem pour 16 voix et ensemble instrumental (en première française, la création mondiale a été donnée à la Casa da Música de Porto le 20 octobre 2020, sous la direction de Peter Rundel) obéit à la structure classique (Introït, Kyrie, Dies irae, Agnus Dei). «Un fantôme qu’il faut habiter de l’intérieur », dit F. Filidei de sa rencontre avec la forme requiem – forme « morte » à ses yeux –, maintes fois illustrée dans l’histoire de la musique. Quelle rencontre !, et quel choc pour l’auditeur que cette partition d'un seul tenant, d’une densité rare qui, dès les premières notes vous happe, telle une berceuse infernale, et vous tient en haleine une demi-heure durant, jusqu’au libérateur Agnus Dei conclusif, par la nécessité de son propos, la variété de ses textures – et une théâtralité fièrement revendiquée !  Forme morte que le requiem ? En ce début de XXIe siècle, Filidei ajoute en tout cas un authentique chef-d’œuvre à une liste déjà longue.

Conclusion purement orchestrale, Le Rite de la nuit noire. Voyage d’Artaud au Mexique pour seize instrumentistes (en création) de François Meïmoun (né en 1979) s’inspire du « rite du soleil » chez les indiens tarahumas. «J’ai voulu composer et mettre en scène une musique droguée », confie le jeune compositeur au sujet d’une pièce, fermement conduite par L. Warynski, qui capte certes l’attention durant ses premières minutes mais se prend trop à son jeu, paraissant bientôt longuette tant par sa répétitivité que son excessive compacité.