Pierre-Yves Macé - Festival d'automne

Concert Palimpseste

L'écriture est volontiers un palimpseste, la réécriture, sans cesse, de ce qui est écrit déjà, pour le plaisir, pour traverser à nouveau les formes et en troubler les lignes, pour agencer autrement leurs séquences. Ce concert invite ainsi à quelques miniatures, hommage à la brièveté jusque dans les genres de la tradition, opéra et cantate.

La cantate de chambre Maintenant, de toutes nos forces, essayons de ne rien comprendre, sur un livret de Pierre Senges, est conçue autour des cantates de Bach BWW94 et BWW110. Elle y puise des citations littéraires et d’autres musicales, altérées. Frayant une nouvelle voie, infime, dans ces modèles illustres, ténor et contre-ténor y incarnent la lutte séculaire entre matérialisme et idéalisme. Kind des Faust s’inscrivait en 2016 dans le spectacle Angelus Novus. Anti-Faust de Sylvain Creuzevault, auquel prenait part un personnage de compositeur. Il s’agissait alors d’un opéra dans le théâtre, relisant le magnum opus de Goethe et sa figure oubliée de l’enfant de Faust et Marguerite, que ses parents avaient noyé et qui revient du royaume des morts pour se venger. En ouverture du concert, puis entre cantate et opéra, s’enchaînent avec fluidité et cohérence deux cahiers de Virgules radiophoniques, conçues il y a dix ans pour une émission de Gérard Pesson, Boudoir & autres. Développées et instrumentées pour la circonstance, dans la salle de concert à présent, ces virgules revisitent le coup de crayon initial, donnent vie à d’autres chemins.

Commande de la réécriture, Festival d’Automne à Paris

PIERRE-YVES MACÉ


Pierre-Yves Macé
Virgules radiophoniques,
pour tous les instruments et électronique, cahier I (2013-2023)
Maintenant, de toutes nos forces, essayons de ne rien comprendre texte de Pierre Senges
pour quatuor à cordes, clavecin, ténor, contre-ténor (2017-2023)
Virgules radiophoniques,
pour tous les instruments et électronique, cahier II (2013-2023)
Kind des Faust (L’Enfant de Faust) texte de Sylvain Creuzevault
pour quintette à cordes, flûte, harpe, clavier électronique, soprano, contre-ténor, basse (2016-2023)


Anne-Claire Baconnais, soprano
Guilhem Terrail, contre-ténor
Steve Zheng, ténor
Laurent Bourdeaux, basse
Ensemble Multilatérale,
Les Métaboles
Léo Warynski, direction

Dans la presse...

Les voix et les instruments, tous épatants

Hémisphère Son - Michèle Tosi
 - Concert Pierre-Yves Macé

Les voix et les instruments, tous épatants

Hémisphère Son - Michèle Tosi - Concert Pierre-Yves Macé

Trois pièces et autant de réécritures sont à l’affiche de ce troisième concert dédié à la musique de Pierre-Yves Macé, un compositeur à qui l’édition 2023 du Festival d’Automne consacre un portrait. 

Comme son collègue danois Simon Steen-Anderson, Pierre-Yves Macé aime travailler sur du matériau préexistant, qu’il provienne de sources extérieures (banque de sons, œuvres de répertoire, chants populaires, etc.) ou de sa propre écriture. Ainsi toutes les pièces interprétées ce soir, prélevées de son propre catalogue, ont fait l’objet d’une réécriture en 2023 : pour en modifier le contexte, l’instrumentation ou le format, selon les exigences du concert. 

Il y a d’abord ces Virgules radiophoniques réorganisées en deux cahiers et jouées en alternance avec les autres œuvres au programme. Elles ont été composées en studio, pour l’émission (hélas disparue aujourd’hui) de Gérard Pesson, "Boudoirs et autres", qui passait tous les vendredis, tard dans la soirée. Pour l’ensemble Multilatérale qui a investi le plateau du théâtre des Abbesses, Pierre-Yves Macé en a réalisé une instrumentation. Chaque pièce porte un titre, qui s’affiche sur l’écran de fond de scène, et distribue les rôles (solo, duo, quatuors, etc.) parmi les huit instrumentistes (quintette à cordes, flûte, harpe et clavier). L’échantillonneur placé sur le célesta reste l’instrument macéen par excellence, emblématique de cette hétérogénéité et discontinuité avec lesquelles il aime travailler. En phase avec les sons/voix exogènes qui sortent du sampler, l’écriture instrumentale n’est pas moins bigarrée, entre instances bruitées, motifs en boucle, oscillations molles et surgissements intempestifs : « un ensemble de traits sur le point de prendre forme », selon les mots avisés de l’écrivain Pierre Senges. C’est sur le livret original de ce dernier que Macé écrit en 2017 sa cantate de chambre Maintenant de toutes nos forces, essayons de ne rien comprendre, une phrase du philosophe géorgien Merab Mamardachvili prélevée du texte de Senges. Commande de l’orchestre de chambre de Paris, l’œuvre est adaptée en 2023 pour voix et petit ensemble, une autre façon de recycler de l’existant.

À l’instar des Cantates de Bach, le clavecin est le partenaire privilégié des voix. De part et d’autres du chef, Léo Warynski, deux personnages masculins se questionnent l’un l’autre, habités d’idées philosophiques opposées : l’idéaliste est incarné par le haute-contre Guilhem Terrail et le matérialiste par le ténor Steve Zheng. Les surtitres aident à la compréhension de cette « disputacio » polyglotte. Les instruments suivent les voix comme leur ombre, s’autorisant ici et là quelques madrigalismes. L’humour infiltre le propos et la virtuosité est à l’œuvre, tant vocale qu’instrumentale, dûment assumée par les deux chanteurs et les musiciens de Multilatérale.

L’insolite et l’inattendu, l’impromptu, le poétique et le dérisoire, le presque rien, l’instant présent et la nostalgie: la proposition sonore est ouverte dans le Cahier 2 des Virgules radiophoniques, la miniature étant le lieu d’une certaine désinhibition, note Pierre-Yves Macé. 

Plus ambitieux, maniant là encore humour et distance, l’opéra Kind des Faust (Enfant de Faust) était à l’origine une œuvre sur support, passant par les haut-parleurs au sein du spectacle de Sylvain Creuzevault intitulé Angelus Novus de 2016. Kind des Faust est entendu ce soir en concert, avec ses trois personnages/chanteurs, les huit musiciens de Multilatérale et l’électronique sous la direction de Léo Warynski.

Le mythe est ici relu, en allemand, à travers la figure de l’enfant de Faust et Marguerite qui revient du royaume des morts pour se venger. C’est la soprano Anne-Claire Baconnais qui endosse le rôle, impressionnante dans le monologue presque straussien du début où la voix est déployée dans tout son registre et ses modes d’énonciation (parlé, râlé et chanté) pour invoquer le malin. Diablement efficace est l’idée de faire chanter en doublure le contre-ténor (Guilhem Terrail) et la basse (Laurent Bourdeaux) éminemment solidaires pour incarner Méphisto. Les instruments sont au service des voix et de la dramaturgie, assurant aussi les changements de décors, comme dans cette scène, Willkommen im Kabarett!, où fusent les pizzicati des cordes sur un motif alerte fonctionnant en boucle. Les parents (Père et Mère) n’interviennent qu’en voix off via l’échantillonneur, victimes parfois des défaillances de la technique! 

L’humour le dispute à l’excentricité dans cet opéra de poche un rien étrange, bien conduit par Léo Warynski qui laisse apprécier le rapport fusionnel entre l’électronique, les voix et les instruments, tous épatants. 

Le public applaudit chaleureusement les musiciens et plus particulièrement Pierre-Yves Macé

Resmusica - Patrick Jézéquel
 - Concert Pierre-Yves Macé

Le public applaudit chaleureusement les musiciens et plus particulièrement Pierre-Yves Macé

Resmusica - Patrick Jézéquel - Concert Pierre-Yves Macé

Nouvelle manifestation consacrée à Pierre-Yves Macé dans le cadre du Festival d’automne à Paris, « Palimpseste » présente trois œuvres : Virgules radiophoniques (cahiers I et II) ; Maintenant, de toutes nos forces, essayons de ne rien comprendre et Kind des Faust. Trois « réécritures de pièces anciennes, à la façon de palimpsestes », selon les mots du compositeur. Un concert éclair qui enchaîne les quatre morceaux.

Les cahiers I et II des Virgules radiophoniques (2013-2023) sont donnés séparément ce soir, le second étant joué entre les deux pièces vocales. L’auditoire ne peut absolument pas se tromper : ici et maintenant prime l’instant, ce que dit déjà le titre, mais que précise encore le musicien dans le beau programme du concert, justifiant ainsi la projection sur le mur de scène d’un décompte analogique. Pédagogie, pédagogie ! Laquelle est renforcée par l’article « Palimpsestes » de Laurent Feneyrou, à la fois historique et définitionnel. C’est en 2013 que Macé composa ces quelque trente instantanés musicaux pour « Boudoirs et autres » de Gérard Pesson sur France Musique. Le travail de réécriture dix ans après nous intéresse dans la mesure où il s’est agi de relier entre-elles toutes ces perles diffusées séparément à l’origine, et, partant, de faire une sélection. Disons tout de suite que ces morceaux, conçus comme des bulles crevant à la surface de la durée de l’émission radiophonique, continuent ce soir d’apporter de la fraîcheur dans une programmation par ailleurs assez plombée par les deux œuvres chantées. Particulièrement éloquents, les titres – « Indestructible », « Da capo », « Stance », « Décantation limousine », « Ville et Campagne », « Weißliche Staub », « Havre gourd », « Ouvre ta bouche », « Mon gosier de métal parle toutes les langues » ou encore « The most interesting sound you’ve never heard » – reflètent la variété de ces miniatures de caractère, à la fois étonnantes, cohérentes, joueuses et drolatiques. Chacune exploite une idée, se servant de matériaux divers et mêlant les instruments à l’électronique. À noter, l’excellence de l’acoustique de la salle du théâtre des Abbesses, qui met merveilleusement en valeur les huit musiciens présents de l’Ensemble Multilatérale, souvent solistes ou couplés soit à un autre instrumentiste, soit à l’électronique – Maxime Désert à l’alto, Lise Baudouin au célesta, au clavecin et à l’électronique, Simon Drappier à la contrebasse, Aurélie Saraf à la harpe, Antoine Maisonhaute au violon… Des documents sonores sont incorporés, faisant entendre les voix de John Cage, Morton Feldman et Chantal Akerman. Donc, un beau travail sur le timbre, la brièveté et les climats psychologiques.

Léo Warynski et deux chanteurs des Métaboles entrent en scène dans l’obscurité. Maintenant, de toutes nos forces essayons de ne rien comprendre (2017-2023) est une cantate de chambre opposant deux personnages caricaturaux dans un dialogue qui s’avère être un double monologue : l’éternel poseur de questions idéaliste et poétereau (le contre-ténor Guilhem Terrail) et un matérialiste béat et assez infatué (le ténor Steve Zheng). Le livret de Pierre Senges, qui multiplie les citations, en français, anglais, allemand…, ne convainc pas, tout comme les vocalises « debussystes » de ce que Macé a pensé comme « un geste quasi-opératique ». La musique dramatise tout cela, mais nous laisse à la lisière de cet « Allemonde philosophique ».

Léo Warynski dirige également Kind des Faust (2016-2023), opéra de chambre d’après un livret de Sylvain Creuzevault traduit en allemand par Élisabeth Faure. On peut s’étonner du choix de ce sujet d’un autre siècle, qui s’inspire de Goethe et donne suite à l’infanticide que commet Marguerite, la compagne de Faust. Trois éléments sauvent à nos yeux cette œuvre finalement très convenue : premièrement, la langue allemande, dont la musicalité, deuxièmement, est magnifiquement rendue et par la musique et par la très expressive soprane Anne-Claire Baconnais, qui joue à fond son rôle d’enfant revenu du royaume des morts et souhaitant se venger ; troisièmement, le dédoublement de Méphisto par les interprètes Guilhem Terrail (contre-ténor) et Laurent Bourdeaux (basse), chantant toujours en homorythmie, une riche idée musicale et symbolique (la langue bifide du Diable). Sans surprise, l’expressionnisme de la pièce débouche un moment sur un « Willkommen im Kabarett ! » À la fin, Méphisto se demande si Dieu dort ou est mort. Mais n’est-ce pas le faire vivre que de continuer d’en parler ?

Le public applaudit chaleureusement les musiciens et plus particulièrement Pierre-Yves Macé.

2023

octobre

Mardi 24 octobre 2023 - 20hPierre-Yves Macé - Concert PalimpsesteFestival d'Automne à Paris - Théâtre de la Ville – Les Abbesses

Chez Pierre-Yves Macé,
l’écriture est volontiers un palimpseste, la réécriture, sans cesse, de ce qui est écrit déjà, pour le plaisir, pour traverser à nouveau les formes et en troubler les lignes, pour agencer autrement leurs séquences. Ce concert nous invite ainsi à quelques miniatures, hommage à la brièveté jusque dans les genres de la tradition, opéra et cantate.