Sélection Le Monde

29/09/2023
Le Monde - Pierre Gervasoni
Le Moine et le Voyou

Placé sous une enseigne janusienne, « moine et voyou », qui a fait florès depuis son utilisation par Claude Rostand dans les années 1950, ce programme n’invite pas à considérer la dualité d’expression dans la production d’un seul et même musicien, mais dans la confrontation d’œuvres empruntées au catalogue de deux compositeurs. Ce qui n’est pas du tout la même chose. D’autant plus que Francis Poulenc n’y est représenté que par des pages, pour chœur a cappella, d’une rigueur monacale dont Les Métaboles restitue idéalement les multiples nuances, sous la direction méticuleuse et sensible de Léo Warynski. Après ce Poulenc quasi sacré, un Cavanna dévoyé ? Oui et non. La Messe un jour ordinaire (1994) peut, certes, passer pour de la provocation dans la mesure où elle glisse, entre autres, dans l’ordinaire latin (Gloria) quelques phrases d’une toxicomane en quête de toit. Toutefois, magnifiquement interprétée ici, cette œuvre tonitruante exalte tous les registres, de la pure émotion à l’emphase caricaturale, avec une indépendance esthétique susceptible de valoir à Bernard Cavanna le statut de "compositeur sans étiquette", jadis revendiqué par Francis Poulenc.