Un nouveau jalon, parfaitement abouti, dans le parcours discographique exemplaire des Métaboles.

11/09/2023
ConcertClassic - Alain Cochard
Le Moine et le Voyou

Oratorio furieux
 
C’est par un enregistrement que Léo Warynski et ses chanteurs font l’actualité en cette rentrée. Un programme pour le moins original, qui réunit Poulenc (la cantate Un soir de neige, les Quatre motets pour un temps de pénitence et le motet Exultate Deo) et la Messe un jour ordinaire de Bernard Cavanna, composition créée au mitan des années 1990 dont l’auteur a livré une nouvelle version – la troisième – en 2021, en prévision de son enregistrement par les Métaboles et l’ensemble Multilatérale, dans la foulée d’un concert en mai 2022 à la Cité musicale-Metz.

Il y a une certaine cohérence à évoquer cette œuvre après le Concerto pour orchestre, où Grégoire de Narek écrit « pour les pénitents et les esclaves du péché [...] pour les dégradés et les élevés. ». La pièce de Cavanna mêle en effet l’ordinaire de la Messe aux paroles de Laurence, jeune toxicomane. « Oratorio furieux » : la juste formule de Romaric Gergorin traduit la singularité d’une composition inclassable, borderline telle que Cavanna en a le secret. Warynski la restitue dans son humaine complexité, sa tension entre sacré et ô combien ! profanes turpitudes, avec le concours d’Isabelle Lagarde, formidable Laurence, de la violoniste Noëmi Schindler, archet le plus cavannien qui se puisse trouver  mais aussi d’Emilie Rose Bry (sop.) et Kiup Lee (ténor) et de Multilatérale, parfait serviteur de l’hétéroclite instrumentarium requis par Cavanna (de la clarinette aux contrebasses, en passant par l’accordéon, l’orgue et le tuba !).

Une musique d’autant plus déroutante – et résolument prenante pour qui sait prendre le temps de l’apprivoiser – qu’elle suit les pièces de Poulenc, d’un caractère tout différent, et non moins bien défendues, qu’il s’agisse de la solitude glacée mais si humaine et sensible d’Un soir de neige, de la sombre et tragique gravité des Quatre motets ou de la ferveur de l’Exultate Deo. Un nouveau jalon, parfaitement abouti, dans le parcours discographique exemplaire des Métaboles.